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Les Os Noirs

I.C.E.

Les Os Noirs

Les Os Noirs

Les Os Noirs

J’écris des formes qui me ressemblent.

L’art dramatique des Os Noirs, je le conçois en une série d’épreuves photographiques et sensorielles. Mon besoin d’esthétisme passe par des reflets, l’impression d’une image. 

La saturation est un des axes de mon expérimentation.  Mon sujet, c’est elle, cette femme que l’on découvre marionnette suicidaire.

Elle, c’est l’image de la virginité qui joue avec la mort.

Elle, c’est Ophélie, Camille Claudel, Léopoldine Hugo, Virginia Woolf, peut-être Jeanne d’Arc. Des cœurs et des corps en proie au désir mortel.

La mort est une banalité, vous ne trouvez pas ? L’image du sang, des cadavres, toutes les générations l’ont vécue et la vivrons. Choisir ou pas sa mort, n’est-il pas un questionnement que chacune et chacun se pose dans la vie ? Du suicide, vous qui me lisez, vous avez l’expérience de la dépossession de celui ou celle qui reste, dans l’incompréhension, dans une culpabilité si commune et toujours par un deuil à faire.

« Les Os Noirs » sont une série de suicides et un accompagnement au dernier souffle. Je l’ai imaginé comme un poème sombre, une écriture incarnée dans un corps et des éléments. Baudelaire, Munch, Hopper, Caravage, Antoine d’Agata, Andrés Bello, La Genèse, Bob l’éponge, Ian Pallack sont venus me traverser régulièrement.

Ne cherchez pas à vous raccrocher à une narration du réel mais aux fantasmes autant qu’aux cauchemars dont je vous sais comme tout humain épris.

Phia Ménard.

Chambéry, le 19 septembre 2017

 

Traiter du désir est un écueil, surtout lorsque l’on s’attaque à la mort…

Ma relation à l’art dramatique est intense, c’est un désir animé d’absolu et de nécessité de pertinence qui me coûte mentalement de plus en plus. Je ne me sens pas investie d’une mystique mais par la préoccupation de m’enfoncer dans les failles et fissures de nos mondes. 

Pour moi qui suis athée, la mort est une histoire de l’intime et de l’aboutissement de nos vies. Je ne comprends pas le croyant et parfois j’en avoue une jalousie dans la certitude qu’il a à croire en un au-delà, un paradis ! 

Je me suis offerte une autre vie de mon vivant en changeant d’identité. Ce n’est pas un paradis mais une terre à apaiser. J’ai laissé derrière moi l’impossible acceptation de mon adolescence de mâle pour m’offrir celle d’une femme prête à mûrir ! J’avais les attributs du pouvoir et je m’accrochais à des falaises pour trouver la hauteur du grand saut. C’est l’art qui m’a donné la distance. C’est à 20 ans, par la rencontre des œuvres  que je suis restée au sol et me suis éloignée de la falaise pour la contempler. J’ai commencé à comprendre l’espace, l’horizon et le temps comme une constante à redéfinir.  J’ai choisi de pendre les organes, les symboles du pouvoir, comme on castre les testicules d’un animal avec un fil de crin.  L’acte du suicide m’accompagne depuis tout temps, comme la cigüe dans la poche du résistant, sans compromis.  

Le suicide nous est proche. Il fait route dans nos pas dès l’instant qu’il nous apparaît comme une possible issue.

Mais vous qui me lisez, nous qui sommes encore là, nous ne connaissons le suicide que par le manque et la douleur de l’absence. C’est un acte qui nous laisse dans l’interdit… 

Savoir le pourquoi de cet acte rationnel ne peut trouver de réponse simple. La seule certitude est que l’acte de se suicider est une réflexion longue et intense, qui se fait rarement sur un coup de tête.

J’imagine qu’une fois la décision prise, c’est l’ordre du préparatif qui vient à se construire : un cérémonial, du comment, où et quand, qui vient à primer sur toutes autres considérations.

Se suicider dans le secret d’une chambre, ou sous l’œil du riverain, tout est affaire de signification. Le suicidé n’a pas besoin de la morale, il est dans la certitude de son geste. La préparation et les traces ou les énigmes qu’elle ou qu’il laisse sont sa signature.

C’est à la préparation de l’acte que je m’intéresse et non à la cause. Pas de mise à mort sans préméditation surtout lorsqu’il s’agit de la sienne. Lorsque l’instant de la décision est déjà lointain, c’est un cérémonial qui s’organise. On peut mourir seul, mais aussi aujourd’hui nous le voyons, mourir en emportant avec soi d’autres, malheureusement, comme une médiatisation de son geste, ou plus terrible encore par vengeance et croyance. Du naufrage au ravage, du geste silencieux d’un proche ou celui d’un pilote d’avion qui emporte avec lui la centaine de passagers, ou d’un kamikaze au volant d’un camion, le sens de l’acte diffère sans commune mesure. 

Que faire de ce sujet brûlant !

De la lumière vers le noir, c’est par ce prisme que je conçois la rupture. Rentrer dans le sombre, se mettre à l’abri de la lumière ou s’extraire du jour, comme prémices à s’extraire du monde des vivants. Ce que j’imagine être d’un sensoriel extrême, un poème sombre.

« Les Os Noirs » est une pièce du vent, une série de tableaux achromes. Noir, Gris, Anthracite, c’est la tonalité de ce poème du clair-obscur. Une tentative de mise en forme d’une série de sauts vers une mort, loin du pathos, pour en nourrir la réflexion.

Une interprète pour de multiples histoires personnelles et des matières noires mouvantes surdimensionnées.

Un corps et des matières que j’affectionne tout particulièrement, le plastique, le tissu, le papier, le métal et un vent permanent pour nous rappeler à la vie. 

La forme est archéologique. Une superposition de couches dont nous allons assister à la renaissance au gré des fouilles. Elle arrache le sol à la recherche de ce qui l’a précédée. Elle cerne ce que nous sommes devenus par l’exhumation de traces et de mémoires. C’est son corps qui s’abandonne à chaque nouvelle disparition. Nous la suivons dans la réintégration d’un charnel lointain. Des formes réapparaissent, des histoires en bribes, des spectres et des lueurs…

Elle est là, à regarder des vagues s’approcher, s’enrouler autour de son corps, l’emporter vers les limbes. Pas même un geste pour se raccrocher au bord, ni même un cri d’effroi.

Elle n’a pas peur, elle a choisi l’instant, elle disparaît dans l’écume…comme Léopoldine Hugo.

Elle est là, prisonnière d’une croûte terrestre, spéléologue sans lampe, formant les chaînes d’une montagne pour s’en faire une terre, elle est une Atlas.

Elle est là,  ramassant des morceaux de graphite, le rayonnement est invisible mais pourtant elle en ressent les lames, son corps est une tumeur en devenir.

Elle est là, éparpillée au milieu d’une terre froide, à peine sortie d’une tranchée, à la recherche de ses membres brûlés, le souffle comme seul lien à la vie.

Elles ont été. Elles ou Ils, ont laissé des traces que nos cerveaux ne peuvent effacer. Elles ou Ils se sont donnés à la mort par le suicide, ont agi sachant l’issue…

Ce sont des revenants dont je déterre la beauté de l’acte, je les nomme les « os noirs ». Ce sont des retrouvailles avec une série d’histoires qui me sont restées gravées. 

Et vous, lesquelles ?

La genèse

Comme souvent, je ressens le sujet imprégner depuis longtemps en moi avant de formuler une parole intelligible. 

Au printemps dernier, je travaille à la création de « Icônes » de Anne-James Chaton (avec lequel j’avais réalisé Black Monodie pour les Sujet à Vifs du Festival d’Avignon en 2010) à partir de son livre « Elle regarde passer les gens ». Je découvre dans mes gestes et la forme de manipulations de matières un chemin de narration large et puissant. Utilisant des pans de tissus noir et de plastique noir, je commence à créer une forme d’écriture prise en sandwich entre le plateau et ces éléments de grandes dimensions, comme l’émergence d’une vie « souterraine ».

Durant l’été 2016, je propose à Chloée Sanchez, jeune artiste formée au Centre National de la Marionnette de Charleville Mézières, rencontrée durant un atelier à la Maison des Jonglages, de pratiquer ensemble et d’échanger autour de ces matières de grand format. Nous questionnons ensemble un certain nombre de sujets liés à l’identité, le désir, la folie. Cette rencontre sera déterminante dans la décision de créer cette nouvelle forme des Pièces du Vent.

Je crois à la rencontre,  c’est ainsi que je procède dans le choix d’une ou d’un interprète.

Comme pour « Belle d’Hier », ou « L’après-midi d’un foehn », ce sont des artistes qui viennent à ma rencontre. C’est la profondeur de l’interprétation qui les attire et qui m’attire aussi. Se donner aux spectateurs n’est pas un acte de gloire mais une question de justesse et de compréhension des dégâts collatéraux, qu’ils soient positifs ou négatifs, de nos représentations. Je me refuse à la facilité et c’est ce que je demande à l’interprète de comprendre dans un processus de création d’une forme.  Ce dialogue entre l’auteur et l’interprète est un acte passionnel qui s’inscrit jusqu’à l’outrance pour trouver les frontières du sujet.

En travaillant avec une jeune femme sur un sujet aussi sombre, il faut s’extraire de la question d’une fin de vie pour ramener un sens mythique, l’image d’une virginité que l’on souhaiterait immortelle. Aucun parent ne veut imaginer la mort de ses enfants avant sa propre mort, les mythologies sont construites autour de cette relation existentielle.

Chloée est une artiste formée à la manipulation et au théâtre de marionnette, ventriloque, musicienne, portée par des questions de l’humain et de la maladie mentale.

Elle est silencieuse mais elle sait se frayer un chemin jusqu’aux cris.

Dispositif scénique

Vous l’aurez compris, l’espace est ma donnée essentielle tant l’image que je cherche à construire à chaque pièce est une photographie qui doit offrir un voyage.

En décidant de travailler une nouvelle fois avec le vent se pose automatiquement la question de la référence à mes propres « Pièces du Vent » et celles qui ont été déjà créées.

En faisant le choix d’exhumer un parcours vers la mort, ce sont les notions de champ, de distance ou de panorama qu’il me semble nécessaire de mettre en place. Aussi, cette pièce sera frontale et panoramique, dans le sens d’ouverture comme l’image cinémascope. Une très grande ouverture et peu de hauteur à la fois.

Nous travaillons donc à la fabrication d’un castelet nous permettant un cadrage et un conditionnement du vent qui passera d’une coulisse à l’autre ou parfois directement vers le public.

Les éléments manipulés ou volants seront texturés dans les tons noirs pour développer la curiosité de reconnaissance de la matière et leurs transfigurations.

Equipe de Création

Idée originale, dramaturgie, mise en scène et scénographie : Phia Ménard

Collaboration à la mise en scène et dramaturgie : Jean-Luc Beaujault

Interprétation : Chloée Sanchez

Composition sonore et régie son : Ivan Roussel

Création lumière et régie lumière : Olivier Tessier

Création costumes : Fabrice Ilia Leroy

Création machinerie et régie générale plateau : Pierre Blanchet et Mateo Provost

Construction décor et accessoires : Philippe Ragot avec Manuel Menes et Nicolas Moreau

Stagiaires techniques : Margot Lemaire et Tom Desnos

Photographies : Jean-Luc Beaujault 

Co-directrice, administratrice et chargée de diffusion : Claire Massonnet

Régisseur général : Olivier Gicquiaud

Chargée de production : Constance Winckler

Chargée de communication : Justine Lasserrade

Manipulation de matières – Pièce du vent – Durée : 1h

 

Production : Compagnie Non Nova.

Résidence et coproduction : Espace Malraux, Scène Nationale de Chambéry et de la Savoie.

Coproduction : Théâtre Nouvelle Génération – Centre dramatique national de Lyon, Centre Chorégraphique National de Caen en Normandie – Direction Alban Richard, le Théâtre National de Bretagne et du Théâtre des Quatre Saisons, Scène conventionnée Musique(s) – Gradignan (33).

Avec le soutien du Monfort Théâtre et du Théâtre de la Ville – Paris, du Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique (44), du Quai – CDN Angers Pays de la Loire et du Théâtre de l’Hôtel de Ville – Saint Barthélémy d’Anjou (49), du Théâtre, scène nationale de Saint-Nazaire (44), du Grand R – scène nationale –  La Roche-sur-Yon (85), du Cargo – Segré (49), du Théâtre – Scène conventionnée de Laval (53), de la scène conventionnée Espace Jéliote-Oloron (64), de la Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau (34), du Théâtre d’Orléans, Scène Nationale (45), du Théâtre Les Treize Arches, scène conventionnée de Brive-la-Gaillarde (19) et du Tandem Scène nationale de Douai (59).

La Compagnie Non Nova – Phia Ménard est conventionnée et soutenue par l’État – Préfèt de la région des Pays de la Loire – direction régionale des affaires culturelles, la Ville de Nantes, le Conseil Régional des Pays de la Loire et le Conseil Départemental de Loire-Atlantique. Elle reçoit le soutien de l’Institut Français et de la Fondation BNP Paribas.

La Compagnie Non Nova – Phia Ménard est artiste associée à l’Espace Malraux Scène nationale de Chambéry et de la Savoie et au TNB, Centre Européen Théâtral et Chorégraphique de Rennes.

 

 

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